Grèves dans le secteur aérien : les revendications salariales se multiplient
Une situation critique
Début juillet, le chaos régnait dans les aéroports parisiens : entre la grève, désormais terminée, des salariés du groupe Aéroport De Paris (ADP) et la situation déjà critique à Roissy, des centaines de vols avaient été supprimés et des heures d’attentes au sein des aéroports parisiens étaient à prévoir pour tous les passagers.
À l’instar de l’aéroport d’Amsterdam Schiphol, lassé ce printemps par des files d’attente interminables dues à un grand manque de personnel, qui a décidé de limiter sa capacité d’accueil pour cet été à 70.000 passagers par jour, la majorité des aéroports européens sont tétanisés face à la saison estivale et post pandémique qui s’annonce.
En effet, la vague de licenciements opérée par les aéroports durant les deux années de crise sanitaire commence tout juste à montrer ses répercussions sur les passagers : l’activité aérienne ayant subitement repris et retrouvé son niveau traditionnel, 7000 postes sont vacants en Europe, dont 4000 dans les aéroports parisiens.
Différents types de grèves au sein du secteur aérien
Dans ce chaos se distinguent cependant les grèves internes entamées par les syndicats des compagnies aériennes, comme les grèves des pilotes ou du personnel navigant commercial (PNC), des grèves externes aux compagnies aériennes, intentées par les syndicats du personnel des aéroports, comme les bagagistes, le personnel de sécurité ou le personnel au sol.
L’intérêt de la distinction réside surtout dans les droits à indemnisation qu’ouvre chaque type de grève pour les passagers impactés ainsi que dans les revendications des salariés de chaque catégorie. Bien que tous aient traversé un bouleversement durant la crise sanitaire, leurs revendications ne sont pas les mêmes.
Les grèves externes aux compagnies aériennes
Du côté des grèves du personnel des aéroports, catégorie dans laquelle entrait la grève ADP récemment terminée, les salariés s’étaient mobilisés pour une revalorisation de leurs salaires ainsi qu’autour d’une révolte commune face au manque de personnel. Le secrétaire général de l’Union Fédérale aérienne FGTE CFDT, Raphaël Caccia, déclarait récemment qu’il manquerait “15% de personnel en assistance escale et 20% en sécurité pour fonctionner correctement cet été dans les aéroports français”.
Ainsi, le personnel des aéroports, victime simultanément de cette pénurie et de l’inflation, revendiquait à la fois une hausse des salaires et le respect du droit du travail : les salariés d’ADP avaient refusé dans un premier temps la proposition de la direction d’augmenter les salaires de 4%, car elle ne permettrait pas, selon eux, de compenser les 5% de baisse acceptés par les salariés dans le plan de réduction des coûts mis en place à la suite de la crise sanitaire.
En prévision de la saison très intense qui s’annonce pour le trafic aérien, les salariés avaient demandé une revalorisation de 6% de leurs salaires. Étaient concernés par cette grève tant les salariés d’ADP que les agents de sûreté travaillant pour le compte de sociétés privées. Les syndicats de personnel des aéroports avaient ainsi plutôt revendiqué un surmenage dû au manque de personnel et demandé une hausse des salaires et le respect du droit du travail.
Grèves internes aux compagnies
Du côté des syndicats de pilotes et de PNC, entrant donc dans la catégorie des grèves internes aux compagnies, ils demandent une hausse des salaires, de meilleures conditions de travail ainsi qu’une plus grande empathie des compagnies à leur égard : on retient l’exemple de la SAS Scandinavian Airlines qui a licencié 450 pilotes durant la pandémie puis réembauché de nouveaux pilotes extérieurs pour les remplacer, à des conditions moins avantageuses que les anciens, laissant ces derniers sans emploi. Près de 900 pilotes de SAS Scandinavian Airlines ont annoncé cesser le travail à partir du 29 juin en Norvège, Suède et Danemark. Pareillement, le personnel de Ryanair a déposé un préavis de grève en France, Espagne, Belgique, Italie et Portugal à compter de début juillet. Ont également suivi les PNC d’Easyjet, Eurowings et Lufthansa, déposant tous des préavis de grève pour l’été.
Une grève entamée par chacune des deux catégories mène à des possibilités différentes en cas d’annulation ou de retard de vol : le Règlement Européen 261/2004 dispose qu’en cas de grève interne le passager doit être indemnisé, tandis que ce n’est pas le cas si la grève est externe.
Selon ce règlement, les grèves extérieures aux compagnies aériennes sont considérées comme étant des “circonstances extraordinaires” exonérant la compagnie aérienne de toute obligation d’indemnisation envers le passager.
Ainsi, la grève de salariés de groupes exploitant les aéroports ou des agents de sûreté travaillant pour le compte de sociétés privées n’ouvrent pas droit à indemnisation en cas d’annulation ou de retard de vol.
De lourdes conséquences déjà visibles
À l’aéroport d’Heathrow, plusieurs milliers de valises sont restées bloquées plus d’une semaine fin juin en raison d’une panne technique et du manque de personnel. L’aéroport londonien avait été contraint de demander aux compagnies aériennes d’annuler 10 % de leurs vols. De même, 16 000 bagages qui n’étaient pas parvenus à leurs destinataires s’étaient empilés dans l’aéroport d’Amsterdam Schiphol en mai, à cause du manque de personnel aéroportuaire pour les acheminer.
Également, le groupe ADP anticipe que le temps d’attente avant les vols sera rallongé durant l’été, il est d’ailleurs conseillé aux passagers de se rendre à l’aéroport , au minimum, quatre heures avant le vol.
Lundi, la fédération européenne des travailleurs du transport (ETF) avertissait dans une lettre ouverte que le chaos auquel fait face le secteur aérien “ne fera que s’aggraver tout au long de l’été tandis que les travailleurs sont poussés à bout« . Des appels à la grève ont été relayés par de nombreuses compagnies aériennes, tandis que d’autres annoncent déjà des milliers de vols annulés.